Plasticines – Chateau H / Artistic residency

Faisant chronologiquement suite aux Chimères diurnes, ces Plasticines succèdent et découlent thématiquement de ce travail, les libertés données à ces dernières créations ayant permis à l’artiste d’aboutir à l’élaboration technique de ses Plasticines (façonnage de formes et décors à base de pâte à modeler, photographie studio et montage numérique). Introduisant sans équivoque cette série illimitée, La visite de Popescu à l’heure de la sieste : Il s’agit avec cet autoportrait d’une invitation au voyage, à la rêverie, dans une approche assez similaire à celle du Romantisme du XIXème siècle de l’exotisme, une manière volontairement naïve plutôt que savante d’évoquer son sujet (qu’il soit exotique ou mythologique), bien que, comme l’indique son titre, l’artiste fasse ici directement référence à l’illustratrice Ana Popescu ou par déclinaison à l’artiste Pop Art David Hockney. Car finalement ne serait-ce pas ce que recherche ici Nathalie De Zan dans cette proposition d’évasion, la transgression des limites techniques et artistiques ? Suivant tout naturellement le lit de ses divagations, on se retrouve à se perdre dans cette évocation luxuriante d’un Douanier Rousseau avec Le Petit Jardin aux plasticines. Ici, on pénètre un peu plus loin dans l’oeuvre (figurée par la matière « naturelle » à modeler) pour mieux transcender les courants artistiques. Dans l’idée d’accumulation de petits éléments, et notamment floraux et végétaux, on retrouve, comme ce fut effectivement le cas chez les peintres et graveurs du XIXème, une inspiration au niveau des volumes et des perspectives des enluminures de la première Renaissance comme la Madone aux fraisiers par le Maître du Jardin de Paradis de Francfort, ou encore le mélange des deux mondes dans L’Annonciation / Adam et Ève à l’arrière-plan de Fra Angelico avec le détail des petites fleurs et aussi le travail des arches et la perspective que l’on retrouve dans Splendeur et martyr d’Angélique. C’est dans le même temps que Nathalie De Zan s’intéresse à la « perspective signifiante » qui consiste à donner aux personnages une taille proportionnelle à leur importance symbolique et aux objets et bâtiments une forme qui convient au sens qui leur est associé. Ce qui est intéressant à saisir est comment son travail plastique en découle puisqu’une fois le décor modelé et dressé, l’artiste fait entrer son personnage en jeu, il s’agit bien de mettre symboliquement en scène un épisode mythologique.

Suivant tout naturellement le lit de ses divagations, on se retrouve à se perdre dans cette évocation luxuriante d’un Douanier Rousseau avec Le Petit Jardin aux plasticines

Les personnages sont proprement assemblés par-dessus l’arrière-plan, respectant ainsi la hiérarchisation symbolique du personnage sur le paysage et sur les objets auxquels il est associé : une association du « grand » (le modèle photographié) sur le « petit » (le paysage modelé). Avec Splendeur et martyr d’Angélique, l’on ne peut s’empêcher de penser à la figure nue « au goitre » de Roger délivrant Angélique d’Ingres, ce dernier sectionné en double référence puisque le chevalier et le monstre serviront eux à Saint-Drac ou le Triomphe sur l’artiste serpent (qui évoque également la version au cheval rouge de 1856 d’Eugène Delacroix). Dans Saint-Drac ou le Triomphe sur l’artiste serpent, on est en droit de se demander si ce monstre serpentiforme ne symboliserait pas les Chimères diurnes considérées aujourd’hui inférieurement par l’artiste. Il s’agit d’un motif devenu récurant dans l’histoire de l’art, d’abord avec Saint-Georges terrassant le dragon au Moyen-Age récupéré par Uccello, Rubens et Raphael, devenu Roger délivrant Angélique qui sera ensuite décliné par de nombreux graveurs romantiques tels Doré, Böcklin et Redon. Ici, le cavalier terrasse le dragon en même temps qu’il tue Angélique. L’observateur pourra y voir une inversion des rôles et une revanche de l’artiste sur la féodalité des institutions culturelles avec en petit soldat de l’Etat un chevalier Drac brandissant le manche en guise de fief pour anéantir l’artiste de la manière dont les grandes autorités religieuses usèrent des Croisés pour garantir leur assise.

 

Texte Xavier Perez

 

1 – 23X20 inch – edition of 3Fleurs bleus et fourmis rouges

2 – 23X20 inch – edition of 3H. aux levres rouges

3 – 19×15 inch – edition of 3Popescu, a l’heure de la sieste

4 – 23X20 inch – edition of 3Le jardins des plasticines

5 – 23×20 inch – edition of 3Drac ou le triomphe sur l’artiste serpent

6 – 23×27 inch – edition of 3Three fishes

 

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